Mémoire de D.E.S à l'UNIKIS : Gracias Otemikongo éclaire la controverse sur la rééligibilité des anciens présidents en RDC

0
À Kisangani, le mémoire de D.E.S d’un jeune chercheur ravive un débat juridique et politique majeur au cœur de la démocratie congolaise. Le 27 juin dernier, à la Faculté de Droit de l’Université de Kisangani, l’assistant Gracias Otemikongo Madenfu, enseignant à l’Université de Bunia et doctorant en droit public, a soutenu avec brio son mémoire de Diplôme d’Études Supérieures (D.E.S). Un événement marqué par une atmosphère à la fois solennelle et chaleureuse, en présence d’un public mêlant juristes, étudiants, collègues et membres de la famille.

Un sujet hautement politique : la rééligibilité des anciens chefs d’État

Intitulé « La limitation de mandat et la rééligibilité des anciens présidents de la République en droit congolais : entre incompatibilités et inéligibilité », le travail aborde une problématique sensible dans une République démocratique du Congo où, après la première alternance démocratique de 2018, les débats sur le retour possible d’un ancien président à la magistrature suprême se multiplient.

Un vide juridique entretenu par des lectures divergentes

Pour Gracias Otemikongo, le cœur du problème réside dans une zone d’ombre constitutionnelle. L’article 70 de la Constitution de 2006 limite le mandat présidentiel à deux, mais n’interdit pas explicitement qu’un ancien président puisse se représenter après une interruption.
« Contrairement à l’article 42 alinéa 2 de la Constitution béninoise ou à l’article 6 de la Constitution française, la disposition congolaise reste vague », souligne le chercheur.

Sénateur à vie : un honneur, pas une inéligibilité

Autre pierre d’achoppement : le statut de sénateur à vie accordé aux anciens présidents par l’article 104 alinéa 7 de la Constitution. Pour l’auteur, cette fonction n’est ni une cause d’inéligibilité, ni une prison juridique.

« Ni la Constitution, ni la loi électorale, ni le règlement intérieur du Sénat ne prévoient l'inéligibilité entre ce statut et une éventuelle candidature présidentielle », affirme-t-il.

Il déplore une confusion persistante entre incompatibilité (régie par l’article 108) et inéligibilité, qui n’est jamais explicitement formulée pour ce cas.

Une démonstration nourrie de droit comparé et de jurisprudence

Le mémoire mobilise des exemples tirés d’autres pays francophones. En France, l’affaire Giscard d’Estaing (1984) a tranché sur la non-automaticité de l’inéligibilité pour les fonctions honorifiques à vie, comme celles des membres du Conseil constitutionnel.

L’auteur ose aussi une comparaison culturelle : « Si un chef coutumier peut renoncer à son pouvoir à vie, pourquoi un ancien président ne pourrait-il pas renoncer à son statut de sénateur à vie ? »

Renoncer pour mieux revenir ?

Selon Otemikongo, une telle renonciation — même tacite — serait juridiquement acceptable, tant qu’elle ne compromet pas l’ordre constitutionnel.
Il note également que ni l’article 72 de la Constitution congolaise ni l’article 10 de la loi électorale de 2022 ne mentionnent le statut de sénateur à vie comme obstacle à la candidature à la présidence.


Vers une réforme constitutionnelle claire ?
En guise de recommandation, le mémoire plaide pour une réforme constitutionnelle plus explicite, à l’image de celle du Bénin, afin de mettre fin aux interprétations contradictoires :

> « Une limitation absolue du nombre de mandats contribuerait à stabiliser la démocratie et à rassurer l’opinion publique. »


Un travail salué par le jury

Le jury, composé des professeurs Michel Ilume Moke (Promoteur), Jean-Pierre Manga (co-promoteur), Patty Longoli (Membre) et Ekongo Demba (Secrétaire), a salué la rigueur méthodologique et la pertinence politique de cette recherche.
Un travail de haute tenue, en phase avec les enjeux contemporains de la gouvernance en Afrique.

Une réussite célébrée dans la fraternité

La soutenance s’est conclue dans une ambiance chaleureuse, ponctuée d’applaudissements nourris. Pour l’assistant Gracias Otemikongo, cette réussite n’est pas qu’un accomplissement personnel : elle ouvre une réflexion nationale sur la lecture et l’avenir de la Constitution congolaise.

Martine Misenga

Enregistrer un commentaire

0 Commentaires
Enregistrer un commentaire (0)

#buttons=(Accepter !) #days=(20)

Nous utilisons les cookies pour vous garantir une bonne expérience fluide sur notre site . Learn More
Accept !
To Top