Un sujet hautement politique : la rééligibilité des anciens chefs d’État
Intitulé « La limitation de mandat et la rééligibilité des anciens présidents de la République en droit congolais : entre incompatibilités et inéligibilité », le travail aborde une problématique sensible dans une République démocratique du Congo où, après la première alternance démocratique de 2018, les débats sur le retour possible d’un ancien président à la magistrature suprême se multiplient.
Un vide juridique entretenu par des lectures divergentes
Pour Gracias Otemikongo, le cœur du problème réside dans une zone d’ombre constitutionnelle. L’article 70 de la Constitution de 2006 limite le mandat présidentiel à deux, mais n’interdit pas explicitement qu’un ancien président puisse se représenter après une interruption.
« Contrairement à l’article 42 alinéa 2 de la Constitution béninoise ou à l’article 6 de la Constitution française, la disposition congolaise reste vague », souligne le chercheur.
Sénateur à vie : un honneur, pas une inéligibilité
Autre pierre d’achoppement : le statut de sénateur à vie accordé aux anciens présidents par l’article 104 alinéa 7 de la Constitution. Pour l’auteur, cette fonction n’est ni une cause d’inéligibilité, ni une prison juridique.
« Ni la Constitution, ni la loi électorale, ni le règlement intérieur du Sénat ne prévoient l'inéligibilité entre ce statut et une éventuelle candidature présidentielle », affirme-t-il.
Il déplore une confusion persistante entre incompatibilité (régie par l’article 108) et inéligibilité, qui n’est jamais explicitement formulée pour ce cas.
Une démonstration nourrie de droit comparé et de jurisprudence
Le mémoire mobilise des exemples tirés d’autres pays francophones. En France, l’affaire Giscard d’Estaing (1984) a tranché sur la non-automaticité de l’inéligibilité pour les fonctions honorifiques à vie, comme celles des membres du Conseil constitutionnel.
L’auteur ose aussi une comparaison culturelle : « Si un chef coutumier peut renoncer à son pouvoir à vie, pourquoi un ancien président ne pourrait-il pas renoncer à son statut de sénateur à vie ? »
Renoncer pour mieux revenir ?
Selon Otemikongo, une telle renonciation — même tacite — serait juridiquement acceptable, tant qu’elle ne compromet pas l’ordre constitutionnel.
Il note également que ni l’article 72 de la Constitution congolaise ni l’article 10 de la loi électorale de 2022 ne mentionnent le statut de sénateur à vie comme obstacle à la candidature à la présidence.
Vers une réforme constitutionnelle claire ?
En guise de recommandation, le mémoire plaide pour une réforme constitutionnelle plus explicite, à l’image de celle du Bénin, afin de mettre fin aux interprétations contradictoires :
> « Une limitation absolue du nombre de mandats contribuerait à stabiliser la démocratie et à rassurer l’opinion publique. »
Un travail salué par le jury
Le jury, composé des professeurs Michel Ilume Moke (Promoteur), Jean-Pierre Manga (co-promoteur), Patty Longoli (Membre) et Ekongo Demba (Secrétaire), a salué la rigueur méthodologique et la pertinence politique de cette recherche.
Un travail de haute tenue, en phase avec les enjeux contemporains de la gouvernance en Afrique.
Une réussite célébrée dans la fraternité
La soutenance s’est conclue dans une ambiance chaleureuse, ponctuée d’applaudissements nourris. Pour l’assistant Gracias Otemikongo, cette réussite n’est pas qu’un accomplissement personnel : elle ouvre une réflexion nationale sur la lecture et l’avenir de la Constitution congolaise.
Martine Misenga