Samedi, dans le hall feutré de l’hôtel Congo Palace à Kisangani, la directrice générale adjointe chargée des opérations, Emmanuelle Zandi, et la directrice des réparations, Theze Aurore Makaba, ont officiellement déclenché le programme EduPax – les « mesures provisoires urgentes » du Fonds National de Réparations des Victimes (FONAREV). Dans un point de presse devant les journalistes de Kisangani, elles ont fait l'économie de ce programme et l'exclusivité de l'identification des victimes. Conçue pour répondre sans délai aux besoins des survivantes de violences sexuelles et victimes de crimes contre l’humanité, principalement ceux du conflit communautaire Mbole-Lengola, cette phase initiale s’ouvre dès juin et ne souffrira, selon leurs mots, « aucun report possible ».
« Aucune communauté, aucune association, pas même une autorité provinciale n’a reçu mandat pour identifier nos victimes ; cette compétence revient exclusivement au FONAREV,» a martelé Emmanuelle Zandi, balayant les initiatives parallèles d’enregistrement apparues dans la ville.
Seul l’établissement public – bras réparateur de l’État congolais – est habilité à authentifier les personnes éligibles : celles qui ont subi des violences sexuelles liées aux conflits ou d’autres crimes graves contre la paix. Et l’enregistrement, insiste-t-elle, « est et restera entièrement gratuit ».
« Nous ne distribuons pas d’indemnités en espèces ; nous semons l’autonomie et la résilience », a expliqué Theze Aurore Makaba, rappelant que l’indemnisation monétaire demeure réservée aux dossiers dotés d’une décision judiciaire exécutoire. Selon elle, EduPax financera des coopératives communautaires, des formations professionnelles et l’accès à l’eau potable – la Tshopo devenant la première province à en bénéficier.
Sur le terrain, plus de 1 200 victimes ont déjà été repérées dans les camps de la province. Néanmoins, le FONAREV souligne qu’« déplacé » n’est pas synonyme de « victime ». D’éventuelles vérifications élargies viseront à déterminer le taux de victimité, sans confondre assistance humanitaire et réparation.
Les listes rédigées hors du cadre légal seront donc caduques : « Quiconque dresse un registre parallèle engage sa propre responsabilité ; le FONAREV se réserve le droit de s’en désengager,» avertit Theze Aurore Makaba.
Dans l’immédiat, EduPax déploie deux axes : soulager l’urgence clinique – via l’hôpital général de Lubunga et celui du Cinquantenaire – et bâtir des “espaces sûrs” pour les enfants, assortis de repas chauds, de séances de soutien scolaire et de groupes de parole.
L’objectif ultime demeure le retour progressif des communautés dans leurs localités d’origine, condition sine qua non pour enclencher les réparations intégrales prévues après le Forum de la paix de décembre 2024.
La mécanique est désormais lancée : un pilote de cent familles ouvrira la voie, suivi d’une montée en puissance « irréversible ». « EduPax n’est pas une promesse, c’est une obligation », conclut Emmanuelle Zandi en refermant son dossier. Dans la salle, chacun a compris que l’identification officielle des victimes n’aura qu’un seul timbre – celui du FONAREV – et que, cette fois, le compte à rebours a bel et bien commencé.
Dido LIBOGA